Anne Alvaro dans Bérénice, cliquer sur l’image
Je n’écoute plus rien, et pour jamais, adieu.
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence, et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?
(…)
Ah ! Seigneur, s’il est vrai, pourquoi nous séparer ?
Je ne vous parle point d’un heureux hyménée :
Rome à ne vous plus voir m’a-t-elle condamnée ?
Pourquoi m’enviez-vous l’air que vous respirez ?
Castella est un chef d’entreprise peu porté sur la culture. Pourtant, un soir, en allant par obligation assister à une représentation de Bérénice, il tombe en adoration du texte et de l’actrice principale, Clara. Par une coïncidence, celle-ci va lui donner des cours d’anglais, nécessaires à son travail. Castella tente de s’intégrer à ce milieu artistique mais sans grand succès. On ne bouscule pas ainsi les cadres de références et les barrières culturelles sans faire d’histoires.
leçon d’anglais dans un salon de thé, cliquer sur l’image
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Notre avis : Le goût des autres est le meilleur scénario original d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, avec celui de On connaît la chanson, écrit pour Alain Resnais. C’est aussi la première (et plus aboutie à ce jour) réalisation de Jaoui dont le sens du rythme et du montage est magistral. Un récit semi-choral structure cette comédie de mœurs axée sur les oppositions de classe, sept ou huit personnages principaux interagissant en réseau social. Jaoui et Bacri manient avec aisance un comique de situation marqué par les clivages financiers, culturels voire politiques. Castella (Jean-Pierre Bacri) est d’abord présenté comme un gros beauf, chef d’entreprise inculte déplorant que Bérénice soit « en vers, putain », jugeant la qualité d’une exposition au nombre de visiteurs, racontant des blagues salaces à un dîner d’artistes et confondant la Symphonie n°40 avec Juanita Banana. Son mauvais goût contraste avec le « langage de ministre » de son collaborateur polytechnicien (Xavier de Guillebon), la culture de base de sa sœur fauchée (Brigitte Catillon), et surtout l’habitus axé sur l’art de Clara (Anna Alvaro), Antoine (Wladimir Yordanoff) et le jeune Benoit (Raphaël Dufour). Fortement dotés en capital culturel, ces artistes fans de Ibsen et de peinture moderne n’hésitent pas à ridiculiser ce bourgeois collant, et une sarcastique séquence de restaurant évoque tant Le Bourgeois gentilhomme que Le dîner de cons, dîner dont l’addition sera payée par notre Monsieur Jourdain, amoureux de sa belle marquise théâtreuse.