Thibault et Aloïs disent
Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites ! de Victor Hugo
Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites ! de Victor Hugo
Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d’un mot qu’en passant vous perdîtes ;
TOUT, la haine et le deuil !
Et ne m’objectez pas que vos amis sont sûrs
Et que vous parlez bas.
Écoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l’oreille du plus mystérieux
De vos amis de cœur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d’une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce MOT — que vous croyez que l’on n’a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre —
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l’ombre ;
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin ;
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l’aigle !
Il vous échappe, il fuit, rien ne l’arrêtera ;
Il suit le quai, franchit la place, et cætera
Passe l’eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l’étage ; il a la clé,
Il monte l’escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l’homme en face dit :
« Me voilà ! Je sors de la bouche d’un tel. »
Et c’est fait. Vous avez un ennemi mortel.
Aloïs et Alexandre,
puis Aloïs disent Le repas de Guillaume Apollinaire
Le repas de Guillaume Apollinaire
Il n’y a que la mère et les deux fils
Tout est ensoleillé
La table est ronde
Derrière la chaise où s’assied la mère
Il y a la fenêtre
D’où l’on voit la mer
Briller sous le soleil
Les caps aux feuillages sombres des pins et des oliviers
Et plus près les villas aux toits rouges
Aux toits rouges où fument les cheminées
Car c’est l’heure du repas
Tout est ensoleillé
Et sur la nappe glacée
La bonne affairée
Dépose un plat fumant
Le repas n’est pas une action vile
Et tous les hommes devraient avoir du pain
La mère et les deux fils mangent et parlent
Et des chants de gaîté accompagnent le repas
Les bruits joyeux des fourchettes et des assiettes
Et le son clair du cristal des verres
Par la fenêtre ouverte viennent les chants des oiseaux
Dans les citronniers
Et de la cuisine arrive
La chanson vive du beurre sur le feu
Un rayon traverse un verre presque plein de vin mélangé d’eau
Oh ! le beau rubis que font du vin rouge et du soleil
Quand la faim est calmée
Les fruits gais et parfumés
Terminent le repas
Tous se lèvent joyeux et adorent la vie
Sans dégoût de ce qui est matériel
Songeant que les repas sont beaux sont sacrés Qui font vivre les hommes
Mélissa
puis Paul et Vincent disent L’école des beaux-arts de Jacques Prévert
A l’école des beaux arts de Jacques Prévert
Dans une boîte de paille tressée
Le père choisit une petite boule de papier
Et il la jette
Dans la cuvette
Devant ses enfants intrigués
Surgit alors
Multicolore
La grande fleur japonaise
Le nénuphar instantané
Et les enfants se taisent
Émerveillés
Jamais plus tard dans leur souvenir
Cette fleur ne pourra se faner
Cette fleur subite
Faite pour eux
A la minute
Devant eux.
Noa et Diane disent Un bruit de fond de Jean-Michel Espitallier
Un bruit de fond de Jean-Michel Espitallier
(travail en cours)
C’est un bruit.
C’est un bruit au fond.
C’est un bruit au fond du trou.
C’est un bruit au fond du trou de tôle.
C’est un bruit de tôle au fond du trou.
C’est un bruit de tôle.
C’est un bruit de tôle au fond du trou de tôle.
C’est un bruit de fond au fond du trou du fond.
C’est un trou de bruit.
C’est un trou de tôle
C’est un trou au fond du trou du bruit de tôle.
C’est un bruit de tôle au fond du bruit.
C’est un bruit de fond.
C’est un bruit de fond au fond du trou de tôle.
C’est un fond de trou au fond du bruit de fond.
C’est un bruit de tôle.
C’est un bruit de trou.
C’est un bruit de tôle.
C’est un fond de bruit.
C’est un bruit de bruit au fond du trou de tôle.
C’est un bruit de bruit.
c’est un trou de tôle.
C’est un trou de trou au fond du bruit de fond.
C’est un trou de bruit.
C’est un trou de tôle.
C’est un trou de fond au fond du fond du bruit
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