De toute ma vie je n’ai reçu que trois lettres de Meaulnes. Elles sont encore chez moi dans un tiroir de commode. Je retrouve chaque fois que je les relis la même tristesse que naguère.
La première m’arriva dès le surlendemain de son départ.
Mon cher François,
Aujourd’hui, dès mon arrivée à Paris, je suis allé devant la maison indiquée. Je n’ai rien vu.
Il n’y avait personne. Il n’y aura jamais personne.
La maison que disait Frantz est un petit hôtel à un étage. La chambre de Mlle de Galais
doit être au premier. Les fenêtres du haut sont les plus cachées par les arbres. Mais en
passant sur le trottoir on les voit très bien. Tous les rideaux sont fermés et il faudrait être
fou pour espérer qu’un jour, entre ces rideaux tirés, le visage d’Yvonne de Galais puisse
apparaître.
C’est sur un boulevard… Il pleuvait un peu dans les arbres déjà verts. On entendait les
cloches claires des tramways qui passaient indéfiniment.
Pendant près de deux heures, je me suis promené de long en large sous les fenêtres.
Il y a un marchand de vins chez qui je me suis arrêté pour boire, de façon à n’être pas
pris pour un bandit qui veut faire un mauvais coup. Puis j’ai repris ce guet sans espoir.
La nuit est venue. Les fenêtres se sont allumées un peu partout mais non pas dans cette
maison. Il n’y a certainement personne. Et pourtant Pâques approche.
Au moment où j’allais partir, une jeune fille, ou une jeune femme – je ne sais – est venue
s’asseoir sur un des bancs mouillés de pluie. Elle était vêtue de noir avec une petite
collerette blanche. Lorsque je suis parti, elle était encore là, immobile malgré le froid du
soir, à attendre je ne sais quoi, je ne sais qui. Tu vois que Paris est plein de fous comme moi.
Augustin
Le temps passa. Vainement j’attendis un mot d’Augustin le lundi de Pâques et durant tous
les jours qui suivirent – jours où il semble, tant ils sont calmes après la grande fièvre de
Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
lire, regarder les images apportées par les uns et les autres, noter les idées qui affleurent puis ajouter, retrancher, doubler, garder, éliminer, déplacer, reconstruire, tester, autant de choix jusqu’au moment de l’enregistrement. Une contrainte : pas plus de quinze secondes !
et du titre d’une histoire d’Anne Wiazemsky, Les visiteurs du soir, (titre lui-même citation cinématographique d’un film de Marcel Carné, 1942) écrire et dire un conte, images de Stanislas Bouvier saisies grâce à un visualiseur et projetées en diaporama sur le tableau numérique de la classe
et du titre d’une histoire d’Anne Wiazemsky, Les visiteurs du soir, (titre lui-même citation cinématographique d’un film de Marcel Carné, 1942) écrire et dire un conte, images de Stanislas Bouvier saisies grâce à un visualiseur et projetées en diaporama sur le tableau numérique de la classe
Oh ! mais vraiment, ce soir, c’est trop beau, c’est trop doux !
Je vous dis tout cela, vous m’écoutez, moi, vous !
C’est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste,
Je n’ai jamais espéré tant ! Il ne me reste
Qu’à mourir maintenant ! C’est à cause des mots
Que je dis qu’elle tremble entre les bleus rameaux !
Car vous tremblez ! car j’ai senti, que tu le veuilles
Ou non, le tremblement adoré de ta main
Descendre tout le long des branches du jasmin !
traduit par Christian Poslaniec et adapté pour le théâtre par Robert Boudet (école des loisirs)
(Côté jardin: intérieur d’église. Le curé fait son sermon. Coté cour: le manant. Table et banc.)
LE CURE:
Il faut faire la charité
Au nom de Dieu qui sait compter
Car Dieu rend le double à ceux
Qui donnent de bon cœur.
LE MANANT* (à sa femme):
Entends-tu ma belle
Ce à quoi notre prêtre s’engage ?
Qui, au nom de Dieu, donne à bon escient,
Dieu le lui fait multiplier.
Nous ne pouvons pas mieux employer
Notre vache, si tu es d’accord,
Qu’en la donnant, pour Dieu, au prêtre.
D’ailleurs elle a si peu de lait.
LA FEMME:
Sire, je le veux bien
Car tu raisonnes à bon droit.
(Le manant rentre chez lui, prend la vache et
va la présenter au prêtre)
LE MANANT
Beau sire, pour l’amour de Dieu
Je vous donne Blérain
Et je vous jure qu’ainsi que je n’ai plus rien.
LE CURÉ:
Mon ami, tu as agi sagement.
Tu peux t’en aller, ayant bien joué
Ton rôle de chrétien.
Si tous mes paroissiens étaient
Aussi sages que tu l’es,
J’aurais des vaches à profusion.
(Le manant se retire. On le voit côté cour, à table avec sa femme. Le prêtre attache Blérain et sa vache Brunain ensemble.)
LE CURÉ: Voilà, je vous attache pour vous accoutumer,
Toi, Blérain, cadeau de mon brave paroissien
Avec toi, Brunain; vous voilà deux,
Vous en serez mieux
Pour partager tâches et travaux.
Par Dieu, c’est un bien beau cadeau. (Il se retire.)
BRUNAIN(voulant se baisser): Souffrez, commère, que je pâture en mon champ.
BLERAIN : Je n’en ferai rien, ce champ n’est pas le mien. (Elle entraîne Brunain.)
BRUNAIN: Mais où allez-vous par chènevières** et prés?
BLERAIN:
Je vais par les chemins retrouver
Les miens. Ne me suivez pas si vous pouvez.
BRUNAIN Las! Je ne le puis! (Elle est entraînée.)
LE MANANT(apercevant les deux vaches): Ah! c’est vrai que Dieu donne le double
Car Blérain revient avec une autre,
Une fort belle vache brune.
Nous en avons deux pour une.
L’étable va être trop petite.
(Tous les participants reviennent en scène. Ils diront à tour de rôle la moralité suivante.)
LE MANANT:
Ce fabliau veut démontrer
Que fou est qui ne s’abandonne.
LA FEMME
Car le bien va à qui donne à Dieu
Non à celui qui le cache ou l’enfouit.
BRUNAIN:
Personne ne peut multiplier son bien…
BLÉRAIN:
Sans grande chance à tout le moins.
TOUS:
Par grande chance, le manant eut
Deux vaches en lieu d’une…
LE CURÉ:
Et le prêtre aucune.
TOUS:
Qui croit avancer recule. (Ils rient… sauf le prêtre.)
*manant : n. m. étym. XIIe « habitant » et aussi « riche, puissant » ◊ participe présent de l’ancien verbe maneir, manoir « demeurer », du latin manere
Au Moyen Âge, Habitant d’un bourg ou d’un village, assujetti à la justice seigneuriale. ➙ vilain. (Robert 2013)
**chènevière [ʃɛnvjɛʀ] nom féminin étym. chanevière 1226 ◊ latin populaire °canaparia, de °canapus (→ chanvre)